4 Mery Laurent

Mery
En 1876 François Coppée était encore l’amant officieux de Mery, après qu’elle eut échappé à Théodore de Banville, celui qui avait repris le sceptre laissé par Théophile Gautier et qui Passait pour n’être que le second après Victor Hugo, était redevenu fidèle à son épouse…
 
Mery Laurent Petit
 
 
Manet, déclara que les vers de Coppée étaient exécrables, vanta Verlaine et Mallarmé. Il la fit s’abonner à la République des Lettres, dont s’occupait Catulle Mendès, et souscrire à l’édition de luxe de “ L’après-midi d’un Faune “. Mallarmé lui en remit un exemplaire, orné d’un quatrain galant : “Ce Faune, s’il vous eût assise Dans un bosquet, n’en serait pas Du trouble épars de ses vieux pas.”
Entre elle et Manet se créa cette intimité faite de rires, de potins, de petits dîners, de promenades au Bois, bref de cette frivolité qui enchante les grands hommes. Elle emmena Manet, qui adorait le luxe et les toilettes, chez sa modiste de la rue de la Paix, chez Worth, son couturier.
Mery Laurent Reutlinger[/caption]
Souvent il venait la chercher pour l’emmener souper chez Tortoni, dans le somptueux équipage mis à sa disposition par Evans son protecteur.
Mery Laurent, ou plutôt Anne Rose Suzanne Louviot, était née en 1849 à Nancy. Elle était la fille d’une lingère d’origine paysanne, au service du Maréchal Canrobert, fille naturelle de 40 ans, Marie Rose Louviot, originaire du village de Sexey-aux-Forges, et d’un père inconnu. Pour des raisons que l’on ignore, sa mère vint accoucher à Nancy. Elle y restera et y vivra très bourgeoisement de ses rentes, entretenue par un admirateur dont on ignore l’identité.
On sait que Anne Rose fréquenta l’école publique, et que sa mère favorisa des dispositions de cantatrice qu’elle avait, elle mit à sa disposition un piano de palissandre et des partitions de musique.
Au début des années 1860 à Nancy, on chuchotait le nom du Maréchal Canrobert. Agé de 54 ans, comme la mère de Mery, il avait été nommé en 1860, gouverneur de la ville, où il résidait au palais du Gouvernement, depuis la création des Maréchalats par Napoléon III. Le bruit courait, qu’il avait étendu, sur la petite Anne Rose Louviot, âgée alors 14 ans, une protection aux conséquences fâcheuses. Il avait rencontré et favorisé si l’on peu dire la petite écolière à Nancy même et non à Paris comme l’on dit certains chroniqueurs.
Confidence de Mery à Huysmans. Consignée par celui-ci dans son carnet secret : « Dîner, ce soir avec Mery en tête-à-tête, dans son nouvel hôtel. Elle me dit entre deux cigarettes sa vie. Sa mère lingère chez Canrobert. Pris par lui à quinze ans, mariée par lui à un paysan qui vient de mourir lui laissant 117'000 francs » Pour éviter une condamnation prévue par le code, il semble que le Maréchal ait organisé un mariage précipité, pour la raison qu’elle allait être mère. Que quelqu’un fut le père, et si l’instruction était ouverte, il n’y avait qu’un moyen de la clôturer. Pour étouffer le scandale il est décidé de la marier, le 2 mai 1864, deux jours après ses quinze ans, il fallait se hâter la jeune Anne Rose se rend chez un notaire en compagnie d’un épicier âgé de vingt-sept ans M. Jean Claude Laurent marchand épicier, demeurant à Nancy, né à Noméry et en présence de la mère qui se porte garante pour sa fille mineure.
Un Contrat de mariage est dressé où les futurs époux adoptent le régime de la communauté de biens, tel qu’il est établi par le code Napoléon. C’est ainsi qu’à quinze ans Anne Rose Louviot devint Madame Laurent.
La lune de miel ne fut pas de longue durée et Anne Rose ne reste pas longtemps derrière son comptoir. Au bout de sept mois, par chance, son mari fait faillite, Le 31 août 1864, Messieurs Garnier et Ferry, négociants en denrées alimentaires, assignaient Jean Laurent pour une somme de 968 fr. 75 qu’il restait à devoir depuis plusieurs mois. “ Attendu que le Sieur Laurent est sous le coup de nombreuses poursuites, que ces poursuites constituent un état de cessation de payement “ Ce qui lui permet de demander immédiatement un jugement de séparation des biens. Dès qu’elle l’obtient, elle abandonne le mariage, l’épicerie et la province. Elle a seize ans. Elle part pour Paris.
Au café Anglais, au café Riche, à la Maison Dorée, Hortense Schneider, la Païva, Cora Pearl, Léonide Leblanc, Blanche d’Antigny transformaient l’or en champagne, dans une atmosphère d’après moi le déluge.
A quinze ans Anne Rose était encore une enfant, profitant des relations du Maréchal Canrobert, elle fut donc confiée aux bons soins de l’Orphelinat des Arts. L’Orphelinat des Arts avait été fondé par sa directrice, Marie Laurent. Marie Laurent née à Tulle en 1825, elle débuta à Genève puis monta à Paris, où elle devint célèbre et créa un nombre considérable de rôles.

 

 

Anne Rose devint vite la protégée de la directrice, qui s’occupa de son éducation artistique. Elle apprit vite à connaître la vie parisienne, En hommage à cette mère adoptive, Anne Rose changeait de nom et devenait, Marie Laurent.
Marie Laurent
Marie Laurent
C’était le moment de montrer de quoi elle était capable, elle s’afficha dans les milieux du théâtre.
Elle était d’une beauté remarquable, grande, avec une chevelure superbe d’un blond roux, dans un visage rond aux traits réguliers, surlignés par des sourcils haut placés, des yeux bleu intenses, un teint de rose clair et une expression étonnée.
 
Robert de Montesquiou disait qu’elle avait un sourire de bébé anciennement primé. Sa beauté massive, rose et blonde, à la mode du temps, lui permit d’entrer au théâtre grâce à un ami qui la recommanda au directeur de la Gaîté. On lui offrit un emploi de figurante dans la nouvelle pièce d’Offenbach, “ le Roi Carotte “.
[caption id="attachment_2765" align="aligncenter" width="517"]le Roi Carotte
le Roi Carotte
 
De la Gaîté, elle passa aux Variétés où elle figura dans “ les Braconniers. “
 Mery Laurent Gaston Mathieu
Puis elle monta sur la scène du Châtelet.
Dans une pièce à grand spectacle, au moment de l’apothéose, on la voyait jaillir, nue, d’une énorme coquille ornée de stalactites d’argent.
mery-laurent-nude
« On frappait les trois coups, des ouvreuse s’entêtaient à rendre les vêtements, chargées de pelisses et de paletots, au milieu du monde qui rentrait. La claque applaudit le décor, une grotte du mont Etna, creusée dans une mine d’argent et dont les flancs avaient l’éclat des écus neufs ; au fond, la forge de Vulcain mettait un coucher d’astre. Diane des la seconde scène, s’entendait avec le Dieu, qui devait feindre un voyage pour laisser la place libre à Vénus et à Mars. Puis, à peine Diane se trouvait-elle seule, que Venus arrivait. Un frisson remua la salle. Nana était nue. Elle était nue avec une tranquille audace, certaine de la toute-puissance de sa chair. Une simple gaz l’enveloppait ; ses épaules rondes, sa gorge d’amazone dont les pointes roses se tenaient levées et rigides comme des lances, ses larges hanches qui roulaient dans un balancement voluptueux, ses cuisses de blonde grasse, tout son corps se devinait, se voyait sous le tissu léger, d’une blancheur d’écume. C’était Vénus naissant des flots, n’ayant pour tout voile que ses cheveux. Et, lorsque Nana levait les bras, on apercevait, aux feux de la rampe, les poils d’or de ses aisselles. Il n’y eut pas d’applaudissements. Personne ne riait plus, les faces des hommes, sérieuses, se tendaient avec le nez aminci, la bouche irritée et sans salive. Un vent semblait avoir passé très doux, chargé d’une sourde menace. Tout d’un coup, dans la bonne enfant, la femme se dressait, inquiétante, apportant le coup de folie de son sexe, ouvrant l’inconnu du désir. Nana souriait toujours, mais d’un sourire aigu de mangeuse d’hommes. » Zola, Nana.
Sa carrière s’arrêta là, en pleine ascension, alors qu’elle était courtisée par les plus grands connaisseurs, dont le prince de Metternich.
Mery Assise
Mery Assise
Un soir, derrière une corbeille de roses, entra dans sa vie, l’homme qui lui ouvrirait les portes de la haute société, le monde des demi-mondaines, le docteur Evans.
Mery Laurent Standing
Mery Laurent Standing
C’est un homme chargé d’histoire, célèbre et immensément riche qui entre dans la loge de Mery ce soir là.
A cette époque elle vivait encore au premier étage du 29 rue de Moscou, Mallarmé vivait avec sa famille au 4ème. Marie allait pouvoir s’installer dans un confort bourgeois.
« Evans lui remettait cinq mille francs tous les mois. Un jour, le dentiste devait s’absenter et il pria Mery de s’adresser directement à sa trésorerie pour la mensualité dont elle obtint le versement. Mais entre-temps, Evans avait lui-même transmit la somme. Elle eut donc, ce mois là, dix mille francs, somme importante pour l’époque, et comme Evans n’avait adressé aucune observation à sa tendre amie, elle continua ce procedé qui mensuellement lui allouait une somme considérable. Pendant ce temps, Mallarmé peinait avec son salaire d’humble professeur et rendait quotidiennement visite à son ami Manet.
[caption id="attachment_2770" align="aligncenter" width="643"]Mery Laurent Dreaming[/caption]
 
Les poètes l’admiraient, la fêtaient, elle connaissait Théodore de Banville, Sully Prud’homme, Leconte de Lisle, Heredia, François Coppée. Elle fréquentait les cafés littéraires. Elle reçut son premier poème de François Coppée. “Telle Dieu vous a faite, et telle je vous veux. Et rien ne m’éblouit, ni l’or de vos cheveux. Et le feu sombre et doux de vos larges prunelles, bien que ma passion ait pris sa source en elles. Comme moi vous devez avoir plus d’un défaut. Pourtant c’est vous que j’aime, et c’est vous qu’il me faut…” Coppée l’appelait “ mon gros oiseau “ et lui envoyait des billets doux qu’il signe “ ta chatte “ ou “ ta vielle chatte “.
Marie devint Mery, en hommage au léger accent américain du docteur. Elle fit venir de Nancy une jeune domestique, Elisa, et elle meubla sa maison où accoururent les écrivains, les peintres et les poètes, ravis de l’opulence toute neuve de leur amie. Henri de Régnier a laissé, dans ses souvenirs, une description de l’appartement de la rue Rome où le mauvais goût de la fin du siècle s’étalait dans une profusion de passementeries et de pompons, de fourrures, de coussins, de tapis d’Orient, de poufs, de consoles dorées, de bibelots, Au mur, une tapisserie représente l’apothéose du premier Consul. Des satyres, peints au plafond, clignent de l’œil vers Mery qui reçoit, vêtue d’un ample déshabillé blanc. Et Marcel Proust se servira du décor de sa maison des talus pour l’intérieur de Mme Swann. Elle connaissait les poèmes de Coppée par cœur. Coppée ça n’est pas un poète c’est un garçon coiffeur ! Parlez moi de Mallarmé ou de Verlaine. Lui avait dit Manet. Manet avait fait souscrire par sa belle amie un abonnement à La République des lettres, dont s’occupait Catulle Mendès et il avait remis à sa belle Mery, la collection de la Dernière Mode. Il ne tarrissait pas d’éloge sur celui qu’il tenait pour le plus grand poète de l’époque ! Mery avait aussi souscrit à ce long poême qu’était Le Faune, refusé pour le Parnasse Contemporain. Mery était devenue l’amie en titre de Manet. Elisa Sosset, femme de chambre, dame de compagnie entre au service de Mery. « Madame Mery Laurent avait amené de Nancy, Elisa, une femme très dévouée et qui avait un culte pour Manet. Il n’est rien qu’elle n’eut fait pour lui. « Je vous donnerai, lui disait Manet , votre portait au pastel ». Manet tint promesse. Mais ce portrait qui est demeuré à l’état d’indication à été sa dernière œuvre. Il devait l’esquisser peu de jours avant sa mort. Ce n’est pas qu’il ne fut disposé à peindre Elisa dès l’année 1878, lorsqu’il était en pleine santé, mais Elisa lui faisait observer qu’il avait bien le temps, qu’il lui fallait faire mille choses plus importantes. Puis tous les jours, Elisa lui prodiguait ses recommandations : prenez bien garde, Monsieur Manet, n’ayez pas froid. Soignez vous bien, monsieur Manet, vous travaillez peut être trop, monsieur manet. »
« il (Mallarmé) se sentait déchiré entre son admiration multipliée par une humilité dont il avait l’expérience, et son bonheur, un peu soucieux de penser que l’ami Manet pût déshabiller cette fille vertigineuse. Mais il était l’ami de Manet ! Et il se relégua dans une contention affectueuse, exactement comme il avait voué sa vie à l’azure. » Gouffin
Mallarmé Mery invité souvent chez Mery au 52 rue de Rome. Le poète habitait un peu plus bas vers le 87 avec sa femme et ses deux enfants, c’est la que parut l’Après-midi d’un faune, commencé en 1865. « Ce faune, si il vous eut assise Dans un bosquet, n’en serait pas A gonfler sa flûte indécise Du trouble épars de ses vieux pas. »
1877 Se fait offrir une maison 9 Boulevard de Lannes Au printemps, la jeune femme s’installe dans sa maisonnette des Talus, en face des pentes gazonnées des fortifications. Cette maison, plus simple et plus charmante, se compose de petites pièces au plafond bas, tendu d’andrinople ou de perse fleurie. Elle y accueille Théodore de Banville, François Coppée, Henri Becque, le professeur Albert Robin, le Docteur Paul Fournier, Henri Gervex, Auguste Dorchain, Augusta Holmès, et surtout les deux artistes qui la rendront célèbre : Manet et Mallarmé. Henri de Régnier a laissé, dans ses souvenirs, une description de l’appartement de la rue Rome où le mauvais goût de la fin du siècle s’étalait dans une profusion de passementeries et de pompons, de fourrures, de coussins, de tapis d’Orient, de poufs, de consoles dorées, de bibelots, Au mur, une tapisserie représente l’apothéose du premier Consul. Des satyres, peints au plafond, clignent de l’œil vers Mery qui reçoit, vêtue d’un ample déshabillé blanc. Et Marcel Proust se servira du décor de sa maison des talus pour l’intérieur de Mme Swann.
Mery assise
« Manet était fier de se montrer avec elle à Tortoni ou au café de Madrid tandis que le cocher d’Evans attendait patiemment dans l’ombre des arbres. Et les amis Gambetta, Zola, Mallarmé, Gervex ou Béraud s’empressaient autour d’eux » Goufin C’est la période ou tous deux connurent George Moore qui a longuement parlé deux dans Mémoires de ma vie morte.
Mery Laurent 1888-1889
Mery Laurent 1888-1889
« Je t’aime beaucoup, mon grand enfant, et de beaucoup de façons ; parce que tu es le camarade parfait, reposant et gai en même temps qu’une autre personne verseuse de délices uniques ; et je t’assure que mes yeux ne regardent plus, loin de toi, le paysage comme naguère, parce que tu t’interposes toujours. » La présence de Mery Laurent va l’inciter à plus d’ésotérisme encore, il va retravailler et maquiller la partie apparente des ses impressions. Ce qui est trop relatif à Mery il l’estompe.
Que la Dame aux doux airs vainqueurs Qui songe 9 boulevard de Lannes T’ouvres, mon billet, comme un cœur Avec ses ongles diaphanes.
EDOUARD MANET PORTRAIT OF MERY LAURENT
1 UNE EXPOSITION PARTICULIÈRE.
2 MERY LAURENT AUX SEINS NUS.
3 UN AMÉRICAIN À PARIS.
4 MERY
5 L’AUTOMNE.
6. LA VIE CONTINUE.
7. THOMAS EVANS 
8 MERY PAR JOSETTE RAOUL-DUVAL
9 NINA DE VILLARD
10 TESTAMENT
11 MALLARME ET MANET.
Living with Manet
Paris-Match Document
L’Illustré
Le Matin
VANITY FAIR
TV
The Case of the Mysterious Manet
20 Min Manet des Puces
Telerama
Manet Mery
Un Manet si bien caché
BLICK
20MIN
Ca commence aujourd'hui TV